Dès les débuts de la pandémie de Covid-19, les autorités suisses ont déployé en urgence une large palette de canaux pour informer la population. Mais cette communication, très institutionnelle et centrée sur le contrôle de l’information, s’est heurtée à des perceptions contrastées. Quelles leçons peut-on tirer de la crise Covid pour repenser la communication publique ?
Une communication entraînant des réceptions multiples
Clarté, honnêteté, cohérence, adaptation : voici les ingrédients identifiés comme essentiels pour instaurer la confiance en temps de crise, selon une étude menée en janvier 2022 auprès de 2587 résident-e-s suisses. Celle-ci analyse la manière dont la population a perçu la communication institutionnelle du Conseil fédéral et de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) pendant les deux premières années de la pandémie de Covid-19. Les résultats montrent que la réception des messages variait fortement selon l’âge, la langue parlée, le niveau d’éducation ou encore les usages numériques.
Pour illustrer plus concrêtement ces écarts de perception, des portraits fictifs, imaginés à partir des résultats de l’enquête, sont présentés sur la carte interactive ci-dessous:
Un besoin de bilan resté sans réponse
« Peu de réflexions concrètes ont réellement émergé sur les apprentissages de cette crise ». C’est l’un des constats formulés par Bertrand Kiefer, médecin et éthicien. Il note une « absence flagrante de débriefing collectif », que ce soit dans les hôpitaux, les institutions de santé publique ou au niveau politique. L’éthicien explique cela par une volonté de « tourner la page », aussi bien du côté des autorités que de la population, ce qui a empêché tout véritable retour critique.
« Crise de la notion même de crise »
Bertrand Kiefer formulait déjà en 2021 dans la Revue Médicale Suisse le concept de « crise de la notion même de crise ». Pour lui, nous vivons désormais dans une instabilité constante, où les crises écologiques, sanitaires et sociales se chevauchent sans résolution claire. De plus, la réponse institutionnelle reste souvent enfermée dans une logique managériale: planifier, rassurer, préserver l’autorité… Le médecin plaide au contraire pour une parole publique capable d’assumer l’incertitude et de s’adresser à l’intelligence des citoyens.
Les incertitudes?
L’importance de bien communiquer les incertitudes scientifiques est l’un des points soulevés par l’analyse mandatée par le Contrôle Parlementaire de l’Administration (service d’évaluation de l’Assemblée Fédérale). Réalisée pour évaluer la manière dont les autorités fédérales suisses ont transmis les connaissances scientifiques pendant la pandémie de Covid-19, elle met en évidence un manque de mise en contexte pour plusieurs décisions clés, comme le port du masque ou les restrictions de contacts. Les autorités ont ainsi fragilisé la relation de confiance avec la population, d’autant plus dans un climat brouillé par l’abondance de messages officiels, de débats médiatiques et d’opinions circulant sur les réseaux sociaux.
La question de la confiance trouve donc son nœud dans la capacité à dire les incertitudes. Pour Kiefer: « ne pas tout savoir n’est pas un problème… ne pas le dire, si. » Dans un environnement où chacun peut s’exprimer via les réseaux sociaux, dissimuler les doutes ou les erreurs devient non seulement illusoire, mais contre-productif.
Une leçon pour les crises à venir
Cet article a été réalisé dans le cadre du cours Création de contenus web et réseaux sociaux du master en communication et journalisme, orientation création de contenus et communication d’intérêt général.