Parler climat sur Instagram : un pari risqué à l’ère de l’éco-fatigue

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Act now! et Agir à Genève communiquent hors du cadre de la sensibilisation pour limiter la lassitude face à la surinformation. Et vous, êtes-vous déjà écœuré et écœurée d’entendre parler du climat sur Instagram ? Faites le test à la fin de cet article.

L’épuisement, jusqu’à un désintérêt complet

L’éco-fatigue  est définie par Pol & Marchand comme “la fatigue liée à un excès d’informations ou de pression relatives aux enjeux écologiques qui tendent à sur-responsabiliser voire à culpabiliser les individus” (p.88). Ses symptômes ?

  • Une forme de culpabilité et d’impuissance chez les individus dont les actions individuelles semblent finalement inutiles

Un souci de confiance

Au cœur de cette fatigue se trouve un véritable souci de confiance : à l’ère du green washing, le public est confronté à de nombreux messages écologiques portés par des institutions dont le seul but est de redorer leur image auprès des consommateurs et consommatrices (Pol & Marchand, p.88). Confrontés à la fois à des contenus sincères et à d’autres dont les motivations sont éthiquement discutables, certains et certaines utilisateurs et utilisatrices, même ceux et celles sensibles à la cause environnementale, peuvent finalement se désintéresser de tous les contenus écologiques (Strother & Fazal).

La thématique de l’éco-fatigue est donc liée à des questionnements plus globaux pour les mouvements pro-climat : comment faire passer un message impactant sans culpabiliser ? Doit-on assumer de mettre mal à l’aise le public dans le but de sensibiliser ? Peut-on  informer sans décourager ? Autant de questionnements auxquels fait face le projet Agir à Genève.

Pour Agir à Genève, la clé est la déconnexion

Guy Vandebrouck, responsable de projets pour diverses associations d’engagement citoyen en faveur du climat, a pris le parti de totalement délaisser les réseaux sociaux : “On a fait le choix d’arrêter de faire du bruit”. Le projet Agir à Genève, piloté par son association Goodtrack en partenariat avec le canton et la ville de Genève, n’a donc pas du tout de compte Instagram. Le site web du projet fonctionne plutôt avec un forum en ligne, un outil qui fait écho aux premiers blogs, avant l’ère des réseaux sociaux. 

“On a fait le choix d’arrêter de faire du bruit”.

La surinformation paralyse

Pour lui, la responsabilisation individuelle n’est pas à négliger. Le temps passé à s’informer sur Instagram éloigne l’utilisateur et l’utilisatrice de l’action concrète. “Le problème ce n’est pas la masse de contenus sur les réseaux sociaux, ni le temps qu’on y passe, c’est ce qu’on ne fait pas pendant qu’on est sur Instagram”, déclare-t-il. Avec les algorithmes et les bulles de filtres, “on s’auto-bombarde de ce qui nous rassure, et en même temps, on fait l’autruche. C’est ça qui crée la fatigue et l’anxiété”. 

En effet, c’est dans l’action collective et concrète que les individus peuvent retrouver une forme de satisfaction : “Les peurs se dissolvent dans l’action”, confie M. Vandebrouck. Refuser de contribuer à la masse informationnelle en ligne reste pour lui la meilleure voie vers le changement social, bien que celui-ci doive venir de l’intérieur de chacun d’entre nous.

Act now! met en avant la mobilisation

L’association act now ! a choisi d’emprunter un autre chemin. Vous avez peut-être déjà croisé ces militants sur des routes, devant des banques ou sur les places publiques : l’organisation act now! est née il y a trois ans, suite au succès de la campagne Renovate Switzerland, lancée en 2022 en Suisse. L’association a pour but d’alimenter un mouvement dédié au changement écologique, en poussant chacun et chacune à utiliser son pouvoir d’action, individuel comme collectif, au quotidien.

Très active sur Instagram, l’association prend le parti de communiquer sur l’engagement de chacun, et relègue les contenus à la visée purement informationnelle au second plan. Elle évite les chiffres en privilégiant des images parlantes et s’appuie sur l’actualité pour pousser son message. L’accent est aussi mis sur le partage d’événements positifs ou même humoristiques. C’est le cas de ce post “bracelet party”, qui fait référence au port du bracelet électronique d’un des activistes.

“🎉Bracelet Party : quand l’activisme transforme la répression en fête!”

La publication transforme une situation grave en un événement convivial qui met un accent particulier sur la notion de communauté. En parallèle, chaque post contient un appel à l’action fort — un message qui invite l’utilisateur et l’utilisatrice à effectuer une action concrète, comme participer à une action collective, partager un contenu, se mobiliser localement, ou faire un don.

La stratégie de act now! consiste donc à promouvoir l’engagement individuel, plutôt que de noyer son public sous les chiffres et les informations catastrophistes à des buts de sensibilisation. Un choix actuel qui fait écho aux stratégies de nombreuses associations. 

Dépasser la green fatigue ?

Pour contourner l’éco-fatigue sur Instagram, la solution serait-elle donc d’encourager des actions collectives ? Du côté de Agir à Genève comme de act now!, le parti pris est de s’éloigner de l’information pure, pour promouvoir une véritable expérience individuelle. Ils démontrent qu’il est possible de réinventer la mobilisation climatique en misant sur l’expérience vécue, le positif, et l’action concrète. Quitter les réseaux, ou les repenser : dans les deux cas, il s’agit d’interrompre un cycle d’épuisement cognitif

A votre tour !

Est-ce que vous aussi, vous êtes fatigué et fatiguée par les contenus climatiques ? Je l’avoue, c’est un peu le cas. Face à des contenus culpabilisants ou éthiquement ambigus, se désintéresser semble parfois plus simple que de rester engagée.

Et vous, que pensez-vous des quelques exemples de posts écologiques présentés ci-dessous ? Renforcent-ils cette éco-fatigue, ou vous aident-ils à développer une forme d’éco-conscience ?

Pour aller plus loin, explorez l’article de Jeanne :