Entre fatigue attentionnelle, saturation numérique et mutation des formats, les communicants font face à un défi majeur : capter un public dispersé, pressé, et ultra-sollicité. Décryptage d’un futur déjà en marche.
C’est un constat brutal, presque provocateur, mais déjà perceptible : en 2035, plus personne ne lira vos messages. Non pas parce que la communication aura disparu mais parce que les usages, eux, auront radicalement changé. Dans un monde saturé de contenus, où les notifications pleuvent, où la vidéo remplace la lecture et où l’oral supplante le texte, le communicant fait face à un défi inédit : Comment capter l’attention d’un public qui ne regarde plus, n’écoute que distraitement et lit en diagonal ?
Une attention aussi rare que le pétrole
L’ennemi numéro un du communicant c’est l’ignorance et l’indifférence. Pourtant selon une étude du Dr. Gloria Mark, la capacité moyenne d’attention humaine sur un écran est tombée à 47 secondes. En parallèle, chaque minute sur internet en 2024, on compte 3,4 millions de vus sur YouTube, 251 millions de mails reçus, 16000 vidéos uploadées sur Tiktok, 138,8 millions de Reels vus sur Instagram et Facebook (Data Never Sleeps, Domo, 2024).
Trop de messages, pas assez de regards. L’infobésité entraîne un trop plein, une fatigue attentionnelle généralisée. Les audiences développent de nouveaux réflexes : elles filtrent, scrollent, “zappent”…
Dans ce contexte, lire devient une action volontaire, marginale. Selon une étude de Litmus analysant des milliards d’ouvertures d’emails entre 2018 et 2022, le temps moyen passé à lire un email est passé de 13,4 secondes à seulement 9. Les messages institutionnels, trop longs, trop formatés, ne font donc pas le poids face aux “snacks contents” qui pullulent nos écrans.

Des publics dispersés et des canaux éclatés
A cela s’ajoute une transformation tout aussi importante : la fragmentation des canaux et des habitudes.
Si les réseaux sociaux « publics » ont dominés les années 2010, on assiste depuis les années 2020 à un fort essor des espaces privées ou restreintes. Notamment WhatsApp, deuxième plateforme sociale la plus utilisée en 2025. La conversation est plus directe, souvent en one-to-one ou one-to-few. D’ici 2035, la plupart des communicants et communicantes passeront par les canaux conversationnels qu’ils soient textuels ou vocaux pour atteindre leur cible. Il faudra donc accepter la co-construction du discours avec son audience. La récompense ? Un lien bien plus fort avec votre public qui aura le sentiment que vous êtes accessible et à son écoute.
Aujourd’hui la vidéo courte (Tiktok, Instagram Reel, YouTube Short) représente le nouveau lieu de captation de l’attention. Et demain ? Les projections annoncent 2,5 milliards d’utilisateurs et d’utilisatrices du métavers d’ici 2030, et une adoption massive des assistants vocaux. Autrement dit, vos messages ne seront plus simplement lus mais vus dans un monde 3D ou entendus dans une interaction “screenless”.
Un monde où l’on écoute plus que l’on ne lit
Ironie de l’histoire, alors que nous sommes toutes et tous entourées et entourés d’écrans, l’un des vecteurs qui monte en puissance est la voix. Selon PwC, 65% des Américains et Américaines entre 25-49 ans utilisent un assistant vocal chaque jour.
Les recherches se font désormais à l’oral, et la réponse donnée par Siri ou Alexa n’est pas une page de résultats mais une seule phrase sélectionnée. Si votre contenu ne parle pas, il deviendra invisible.
Dans le même temps, les podcasts explosent. Les contenus sont, et doivent être pensés pour se décliner en formats sonores, rapides, disponibles dans les moments où les yeux sont pris (transports, cuisine, en marchant). Le succès grandissant de l’audio branding, des capsules vocales et des chatbots conversationnels nous confirme une chose : nous entrons dans une ère de la communication “par l’oreille”.
Des attentes radicalement différentes
Le public de 2035 ne se contente plus d’un message bien écrit. Il attend une expérience, une personnalisation, une interaction.
Habitué à des services personnalisés (fils d’actualité, recommandations Netflix…) le public attendra que les informations s’adresse à lui. Chaque individu voudra être reconnu et traité comme unique dans ses interactions avec les organisations. Cela va même au-delà de la communication : c’est une expérience globale cohérente. Pour y répondre, la maîtrise de la donnée client sera primordial. L’enjeu sera ici d’établir une relation quasi personnelle à grande échelle.
Par ailleurs la confiance sera elle aussi une denrée précieuse à entretenir. Face à l’augmentation exponentielle de fake news et contenus trompeurs, il sera du devoir du communicant et communicante d’intérêt général de “montrer le cap” et cela en faisant preuve de transparence, de sincérité, et de cohérence entre les mots et les actes. Le public ne veut pas de slogan, il veut des preuves, du “Zero Bullshit“.
Elevé à l’ère du numérique et de l’instantanée, le public de 2035 sera encore moins patient qu’aujourd’hui. L’information doit être disponible tout de suite. Ce besoin d’instantanéité s’accompagne d’une exigence de disponibilité omnicanale : l’utilisateur devra pouvoir contacter ou se renseigner sur n’importe quel canal à n’importe quel moment. Les communicants et communicantes devront donc organiser la veille et la réponse au public en temps réel. L’essor des solutions d’automatisation et d’IA conversationnelle aidera à filtrer et traiter une partie des sollicitations, mais l’intervention humaine sera nécessaire pour les réponses à valeur ajoutée.
Enfin, saturé de contenus en tout genre, le public de 2035 cherchera la stimulation. La frontière entre information et divertissement sera de plus en plus floue. On parle déjà d’infotainement. Une communication purement informative ne suffira plus à capter l’attention, il faudra y injecter du storytelling, de l’émotion, du jeu.
Que faire ? S’adapter sans se perdre
Le tableau est vertigineux, mais il n’est pas désespérant. Derrière chaque transformation se cache une opportunité de se réinventer. Voici quelques pistes pour les communicants et communicantes qui veulent rester lisibles, visibles et audibles en 2035.
Lire entre les lignes (du futur)
Alors oui, peut être qu’en 2035, plus personne ne “lira” vos messages au sens classique. Mais cela ne veut pas dire que votre message ne sera pas reçu. Il sera vu, entendu, ressenti, voire même vécu – à condition que celui-ci soit conçu, non plus comme une simple information, mais comme une expérience relationnelle.
Le rôle du communicant et de la communicante n’est pas de résister au changement, mais de l’épouser sans renoncer à sa mission première : tisser du lien.
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