Vous aussi, vous vivez dans une bulle?

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Sur Internet, tout le monde ne voit pas la même chose. Ce que nous voyons, ou ne voyons pas, est filtré, trié et personnalisé par des algorithmes. Ce fonctionnement invisible, en apparence confortable, participe pourtant à une forme de lassitude mentale. Et pour celles et ceux qui tentent de faire passer des messages d’intérêt général, il complique sérieusement la donne.

Un fil d’actualité sur mesure

Le contenu que je consomme sur mes réseaux sociaux n’est pas le même que celui que vous regardez et aimez. Ce que l’algorithme nous propose n’est pas universel, chaque utilisatrice et utilisateur des réseaux sociaux voit, aime, partage, et commente au quotidien une grande variété de publications différentes.

Cela fonctionne simplement : si on passe plus ou moins de temps à regarder une vidéo, si on la like ou l’ignore ou si on commente ou partage un contenu, l’algorithme déduira ce qui nous fait rester en ligne le plus longtemps et il continuera à nous montrer le même type de postes.

Les contenus qui nous sont recommandés sont également basés sur nos caractéristiques socio-démographiques et nos habitudes telles qu’identifiées par l’algorithme: notre genre, notre âge, notre milieu socio-culturel, nos achats en ligne, etc.

Bienvenue dans votre bulle

Ce phénomène porte un nom: les bulles de filtres. Aujourd’hui, ces bulles informationnelles façonnent silencieusement notre vision du monde, renforcent nos croyances et limitent notre exposition à d’autres points de vue.

Le concept a été formulé en 2011 par Eli Pariser, un militant américain de l’Internet libre (une militante ou un militant de l’Internet libre défend un accès ouvert à l’information, la liberté d’expression et la neutralité du web. Il ou elle s’oppose à la censure, à la surveillance et à toutes les pratiques qui limitent la liberté et l’accès aux contenus en ligne), qui alertait déjà à l’époque sur le fait que les algorithmes ne nous montraient pas Internet dans son ensemble, mais une version sur mesure, façonnée par nos préférences.

Depuis, la logique s’est affinée, amplifiée et généralisée. Aujourd’hui, nous naviguons dans une sorte de réalité parallèle, où chaque personne se voit proposer un monde qui conforte ses idées, ses goûts, mais aussi ses frustrations. Ce système peut créer une zone de confort pour les utilisatrices et utilisateurs qui ne sont alors exposées et exposés qu’à des opinions en accord avec les leurs.

Cependant, dans certains cas, cette zone de confort peut également favoriser l’apparition de certains problèmes.

Ce confort qui épuise

Éclater cette bulle demande un certain effort, il faut chercher activement d’autres points de vue, intéragir avec des contenus sur lesquels on ne cliquerait pas instinctivement et s’exposer à des sujets qui ne nous sont pas proposés d’office. Ces efforts participent à l’épuisement mental et à la fatigue numérique des internautes, qui doivent lutter à contre-courant pour accéder à une vision du monde plus large.

Deux comptes, deux mondes

Pour illustrer tout cela de manière plus concrète, vous pouvez éclater les bulles ci-dessous et vous pourrez observer que dans ma bulle, je vois pratiquement que des féministes drôles, des témoignages, des vidéos d’ « empowerment », un peu de contenu politique de gauche, quelques médias d’informations et beaucoup d’ASMR sur YouTube.

Mathias (prénom d’emprunt), étudiant Suisse intéressé par l’entrepreunariat, les médias, l’architecture et le sport (particulièrement le foot), ne consomme pas du tout le même contenu que moi: il regarde de nombreuses vidéos de sports et des contenus sur l’économie. On ne vit vraiment pas dans le même monde numérique.

Mais qu’en est-il de la CIG?

Pour la communication d’intérêt général, ces bulles posent une vraie question: si tout le monde est enfermé dans une bulle d’infos qui nous convient et nous convainc, est-ce que créer du contenu d’intérêt général pour toucher le plus grand monde n’est pas vain ?

Honnêtement, moi je pense que non, parce que premièrement, sensibiliser et informer la population, peu importe laquelle, est à mon sens, toujours utile. Et deuxièmement, les bulles de filtres ne sont pas si étanches qu’elles le laissent paraître.

Dans une vidéo (à 2min03) de l’agence Science-presse du Canada, l’animatrice nous parle d’une étude qui a démontré en 2015 que les utilisateurs et utilisatrices de Facebook étaient exposés et exposées en moyenne à 20% de contenu politique qui contredit leurs opinions.

En plus, ces bulles peuvent devenir perméables avec un peu de curiosité et de persévérance en s’efforçant d’entraîner nos algorithmes autrement. Cette étude, datée, mérite d’être nuancée: selon Elizabeth Dubois et Grant Blank, mesurer l’exposition d’une personne à des idées sur une seule plateforme ne suffit pas. Les internautes s’informent à travers une multitude de médias: radio, télé, presse, réseaux sociaux. C’est l’ensemble de cet environnement qu’il faut considérer.

Vivre dans des bulles de filtres est problématique. Mais en prendre conscience est déjà un grand pas vers une solution. Du point de vue des communicantes et des communicants, on peut tenter de mettre du sens là où l’algorithme ne recherche que des clics, de l’engagement. Alors, vous aussi vous vivez dans une bulle?