Les rédactions des journaux traditionnels sont profondément impactées par l’intégration des technologies numériques. Les nouveaux outils apportent un grand nombre d’opportunités aux médias, tout en représentant un défi de taille pour les rédactions. Découvrons les différents aspects entraînés par la transition numérique.
La transition numérique et les outils digitaux permettent à la fois d’optimiser la diffusion d’information et de mieux cibler l’audience. Ce n’est pas simplement une tendance, mais une nécessité imposée par un paysage médiatique en compétition féroce. En effet, les rédactions sont confrontées à des défis importants tels que la résistance des citoyen-ne-s à payer pour les informations en ligne et une pression financière sur l’industrie des médias, amplifiées par la pandémie de COVID-19.
Intégration des technologies dans les rédactions
L’utilisation d’outils de gestion, c’est-à-dire tout dispositif facilitant les tâches quotidiennes, a révolutionné les pratiques éditoriales. La pandémie de COVID-19 a accéléré l’utilisation des outils de gestions, car elle a poussé considérablement le processus de numérisation. D’un point de vue formel, la production d’infographies, d’illustrations et de contenu interactif remplace progressivement le texte unique, rendant les contenus plus accessibles en engageants. Une étude menée par Marija-Angelina Morozova et Sophia C. Volk de l’Université de Zurich dans onze rédactions suisses montre que l’utilisation de ces outils est devenue indispensable, permettant de maintenir leur compétitivité et la viabilité économique face à la pression accrue du numérique.
Lors du Paper Session “Le numérique dans le journalisme et les médias” au Congrès SSCM 2024, Angelina Morozova rapporte :
Nous sommes en concurrence et sans Web Analytics, cela serait très difficile. Je peux voir quels sujets sont pertinents et les concurrents peuvent le voir aussi. (Tamedia)
Les choix éditoriaux sont cruciaux pour la construction et la diffusion d’informations. L’intégration des outils numériques facilite le processus de production de l’information, de la planification à la diffusion, permettant une gestion plus efficace des ressources et une capacité accrue à répondre rapidement aux exigences du public Tout en offrant une information de qualité et en temps réel.
L’exemple de la radionumérisation
La transition vers la radionumérisation, définie par Pénélope Selhausen-Kosinski à travers le prisme de Equoy-Hutin comme « toutes les productions sonores codées en numérique disponibles sur Internet, accompagnées de contenus enrichis tels que images, vidéos, hyperliens, et déclinaisons sur les médias sociaux » a modifié l’accès à l’information. Les programmes de radio numérique enrichissent désormais l’expérience auditive avec des éléments hypertextuels et paratextuels. Ces derniers jouent un rôle crucial dans l’amélioration de la visibilité et de la crédibilité de l’information. En proposant des hyperliens qui dirigent les utilisateur-trice-s vers des études approfondies, la radiodinumérisation crée un cadre robuste pour la vérification des sources et l’approfondissement des connaissances, aidant ainsi à construire la confiance et à réduire l’incertitude chez les auditeur-trice-s.
De la Suisse au Gabon : les complexités des médias numériques
Le paysage médiatique suisse est façonné par des contraintes spécifique. En effet, la Suisse est un pays de petite taille, ce qui, combinée à son multilinguisme, engendre des coûts de production élevée. Traditionnellement financée par les redevances, les abonnements et les ventes en kiosque, les médias suisses dépendent de plus en plus des revenus publicitaires et annonces. Or, une part toujours plus importante de ces revenus publicitaires est prélevée par de grandes plateformes Internet internationales telles que Google ou Facebook. De plus, il existe également une forte présence médiatique des pays voisins parlant la même langue ce qui engendre un effet de débordement. L’industrie suisse des médias a donc tout intérêt à investir dans les techniques de gestion visant à être économes pour survivre.
nous [les salles de rédaction des médias] travaillons tous avec les mêmes outils, pas nécessairement la même logicielle mais les mêmes outils. Dans un garage automobile, les mécaniciens travaillent aussi avec les mêmes outils, peut-être que la marque est différente, mais la fonction est la même […] si vous n’avez pas de tels outils, vous ne pouvez pas suivre le rythme de cette industrie (Tamedia)
Tandis que la Suisse lutte contre un marché fragmenté et compétitif exacerbé par le multilinguisme, le Gabon, pays d’Afrique centrale qui compte un peu plus de 2 millions d’habitant-e-s voit une croissance dans l’accessibilité des médias facilitée par la baisse des coûts d’équipement et l’implication des opérateurs.
Les deux pays montrent une tendance vers la digitalisation mais avec des implications différentes. En Suisse, l’adoption de technologies avancées est essentielle pour optimiser les ressources dans un marché restreint, tandis qu’au Gabon, la technologie mobile ouvre de nouvelles voies pour l’information mais reste superficielle. En effet, on retrouve difficilement du contenu original adapté à la structure de la plateforme.
Défis et perspectives
Saisir les évolutions du journalisme revient à s’interroger à la fois sur les mutations d’une palette de savoir-faire et sur les règles d’une profession. Les institutions éducatives doivent intégrer ces compétences numériques dans leurs cursus pour préparer les futurs journalistes à un environnement médiatique qui évolue constamment. De leur côté, les rédactions doivent également d’évoluer et permettre aux professionnel-le-s de se former afin de garder une pratique adaptée à l’ère du temps et ses contraintes, pour exploiter au mieux ces technologies, tout en veillant maintenir un équilibre entre efficacité et créativité journalistique.
Cette 24ème conférence annuelle de la SSCM/SGKM est couverte médiatiquement par les étudiant-e-s en Master de Création de contenus et communication d’intérêt général (MA3CIG) de l’AJM. Cet article a été réalisé dans le cadre du cours “Création de contenus web et réseaux sociaux” et fait partie d’une série éditoriale répartie en trois rubriques présentes sur la page du site Pointcomm dédiée à l’évènement.
Pour en savoir plus
Pénélope Selhausen-Kosinski, « Séverine Equoy Hutin, L’Écriture radiophonique en environnements numériques. Le cas du magazine », Questions de communication [En ligne], 44 | 2023, mis en ligne le 01 février 2024, consulté le 29 avril 2024. URL : http://journals.openedition.org/questionsdecommunication/33935 ; DOI : https://doi.org/10.4000/questionsdecommunication.33935
