Les institutions publiques sur TikTok : est-ce vraiment compatible ?

You are currently viewing Les institutions publiques sur TikTok : est-ce vraiment compatible ?
Illustration par Rayan Mega

En Suisse, certaines institutions publiques font le choix d’être présentes sur les réseaux sociaux et notamment sur des plateformes controversées. Est-ce que leur mission est cohérente avec le choix de communiquer sur TikTok ? Pour répondre à cette question, il est indispensable de comprendre les enjeux (économiques, de santé et de sécurité) derrière l’utilisation d’une telle plateforme.

 

Une application en pleine expansion

TikTok : ce réseau social ne vous est certainement pas inconnu. L’application a connu un essor considérable ces dernières années et son nombre d’utilisateurs et d’utilisatrices est en constante évolution. Plusieurs entreprises, organisations et institutions utilisent ce canal, notamment pour toucher un jeune public. Eloïse Genoud, chargée de communication digitale au Musée Photo Elysée, basé à Lausanne, nous explique comment la décision a été prise, en 2023, de se lancer sur TikTok :

Après une analyse argumentée démontrant l’utilité de TikTok pour notre stratégie de communication et précisant son mode d’utilisation, la direction et le service informatique ont donné leur accord pour l’implémentation de l’application, à condition qu’elle soit en adéquation avec l’identité et la ligne de communication du musée et qu’elle réponde aux exigences de sécurité informatique. 

TikTok et la CIG

Depuis sa création, il y a 8 ans, TikTok a fait l’objet de méfiances et controverses qui pèsent aujourd’hui sur son utilisation. Tout particulièrement pour des institutions publiques qui ont comme objectif de servir l’intérêt général, à savoir le bon fonctionnement de la société ainsi que l’intérêt de la population.

Les tensions en présence

Bien que TikTok soit généralement perçu comme une plateforme de divertissement, des recherches récentes montrent que son algorithme de recommandation ainsi que la manière dont le contenu politique y est diffusé soulèvent des questions sur sa neutralité et son influence sur l’opinion publique. Elles mettent également en lumière l’ampleur de la désinformation et le danger que cela représente pour la démocratie. C’est le cas d’une étude menée en Allemagne en 2024, année électorale mondiale charnière, dans laquelle des chercheurs ont étudié la façon dont “les plateformes de médias sociaux comme TikTok poussent les récits nuisibles ou faux dans un contexte politique”.

Ce système met en péril le principe même de neutralité de la communication publique. C’est d’ailleurs pour ces mêmes raisons que plusieurs organisations suisses ont récemment quitté X (anciennement Twitter), autre réseau social très controversé, évoquant plusieurs raisons dont le manque d’alignement avec leurs valeurs (c’est le cas du CHUV, d’Amnesty Suisse ou encore le WWF). Ces dernières ont fait le choix de migrer vers d’autres plateformes plus “neutres” comme Bluesky.

Dans le cadre de la communication d’intérêt général, TikTok est utilisé principalement pour toucher la jeune population. Selon l’étude JAMES, en 2024, on comptait environ 69% d’ados suisses utilisant régulièrement TikTok (contre 51% en 2020), soit plus de 2 jeunes sur 3.

De plus, la popularité et la viralité de ce réseau en font un outil plutôt puissant à travers lequel une vidéo peut être vue par un maximum de personnes en un minimum de temps, ce qui n’est pas négligeable lorsqu’on veut communiquer à propos d’un sujet important. 

Toutefois, les institutions d’intérêt général doivent également prendre en compte les critiques formulées à l’égard de TikTok. Deux rapports d’Amnesty International montrent les effets addictifs et néfastes de son utilisation par les enfants et les jeunes en pointant le système de recommandation des contenus et ses effets néfastes sur la santé mentale. Ils dénoncent également des pratiques de collecte de données allant à l’encontre du droit au respect de la vie privée.

Penser au mieux son canal de communication

Comment savoir quelle est la meilleure façon de communiquer pour que son message soit correctement transmis et perçu ? Selon Valérie Gorin, spécialiste reconnue en communication humanitaire et en culture visuelle, il est important de “garder une cohérence sur le plan de la communication (public visé, pertinence du canal). Pour cela, il faut réfléchir sur la façon dont l’usage de TikTok, par exemple, met en rapport des valeurs et des risques institutionnels”. (Propos recueillis dans le cadre de cet article, mai 2025)

Pour bien choisir sa plateforme de communication, TikTok comme une autre, il faut se poser quelques questions au préalable. Avec l’aide de Valérie Gorin, nous avons créé une check-list. 

Elle a pour objectif d’aider les communicants et les communicantes à déterminer s’il est judicieux de communiquer ou non sur tel réseau. Cela représente un enjeu central pour la communication des institutions publiques et plus largement de la CIG en Suisse.

Dans un autre article, Alexane traite la question de la surexposition des ados aux écrans, un sujet qui pourrait vous intéresser.