D’étudiant au MA3CIG à podcasteur : l’interview de Maé Biedermann

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Avez-vous écouté le podcast « Toi aussi ? ». Cette série traitant de la santé mentale au quotidien a été confectionnée par Maé Biedermann durant son stage de fin d’études à Radar RP. Un stage réalisé dans le cadre du Master en Journalisme et communication, orientation création de contenus et communication d’intérêt général. Rencontre. 

En huit semaines, Maé Biedermann, 23 ans, a fait ses preuves. Cet étudiant de deuxième année de Master en création de contenus et communication d’intérêt général (MA3CIG) est désormais engagé en tant que podcasteur et assistant de communication à Radar RP, l’agence où il a effectué son stage. Ce Jurassien d’origine a réalisé un podcast appelé « Toi aussi ? » sur les questions de santé mentale. Des témoignages prenants et une réalisation méticuleuse ont permis à cet étudiant de créer une série audio qui parle à toutes et tous. Après la mise en place d’un premier épisode, le contrat de Maé a été reconduit pour continuer la série qui l’a tant passionné. Il nous raconte son expérience.

Maé, pouvez-vous nous raconter comment votre recherche de stage vous a amenée à la création et au lancement de ce podcast ?

Pour nous aider dans notre recherche de stage, l’Académie du journalisme et des médias (AJM) nous propose une liste d’organisations potentiellement intéressées par une collaboration avec un-e stagiaire. J’ai immédiatement été conquis par Radar RP, cette agence de relations publiques qui se consacre à la valorisation et la vulgarisation scientifique et dont le but premier est de recréer un lien entre la science, la santé et la société. Pour moi, cela correspondait totalement à la définition de la communication d’intérêt général. J’ai donc envoyé une lettre de motivation, obtenu un entretien et une première discussion concluante.

J’ai ainsi commencé mon stage fin juillet, sur les hauts de Lausanne, à Epalinges, durant deux mois. La mission de Radar RP peut couvrir beaucoup de tâches différentes : de porte-parole à représentant de relations presse entre neuroscientifiques, par exemple. Mais le domaine de prédilection de l’entreprise s’est un peu élargi avec le sujet de la santé mentale, depuis que nous avons décidé, avec Émilie Pralong (fondatrice de Radar RP), de lancer le podcast « Toi aussi ? ». 

Concrètement, comment a émergé l’idée de ce podcast ?

Dès notre première entrevue, Émilie Pralong a évoqué l’idée d’un podcast sur le sujet de la santé mentale. J’ai tout de suite été convaincu, autant sur la forme que sur le contenu. Aussi, son objectif m’a beaucoup parlé : d’abord elle voulait déstigmatiser la question, puis, permettre aux personnes de pouvoir en parler davantage et enfin, à travers ce podcast, considérer la santé mentale d’importance égale à la santé physique. Un sacré challenge ! Mais c’est une personne particulièrement dévouée pour cette cause, au même titre que beaucoup d’autres personnes que j’ai pu rencontrer. Donc, j’ai rapidement été happé par cette mission.

Et comment tout s’est mis en place ? 

Quand je suis arrivé, ma consigne était de lancer un podcast. J’ai rapidement été très autonome, tout en ayant, en filigrane, les conseils d’Émilie. Elle m’a aidé à profiler le contenu, m’adresser au public, définir les cibles, trouver le titre du podcast, mettre en place le site internet et m’a notamment orienté vers les associations de santé mentale suisses romandes (Pro Juventute, Stop suicide, La Main Tendue, Pro Mente Sana, Minds, la Coraasp, le GRAAP, etc.).

L’idée de ce podcast était de mettre des mots, à travers des témoignages, sur la réalité quotidienne de la santé mentale, la prendre en considération et surtout ne pas nier son existence

Les réponses vis-à-vis du projet ont été très positives. Nous avons pu, ainsi, définir ensemble les messages et les formuler. Ensuite, tout s’est accéléré : j’ai effectué mes entretiens pour trouver des témoins, j’ai cherché les musiques, trouvé le matériel, le montage, etc. En fait, quand on s’attaque à un podcast, on ne se rend pas compte de la multitude de tâches à effectuer.

Pourquoi être allé à la rencontre du milieu associatif ?

Ces associations étaient présentes en « sous-marin ». Je ne suis pas un expert de la santé mentale, elles oui. Un exemple très simple : la thématique du suicide (qui revient souvent dans le podcast). Une bonne partie des épisodes ont été réécoutés par Léonore Dupanloup, de Stop suicide, pour cadrer correctement l’écoute. En effet, lorsqu’on parle de ce sujet, il faut avoir un langage neutre : ne pas juger ni avoir un effet incitatif. Ces détails sont nécessaires lorsqu’on s’attaque à des questions aussi sensibles.

Autre exemple: les troubles bipolaires. Là aussi, un cadrage avec quelques associations était essentiel pour mieux comprendre les mécanismes propres à la maladie, notamment les phases maniaques et dépressives. Cela m’a permis de mieux saisir le témoignage de mes interlocuteurs et interlocutrices et ainsi, offrir un travail aussi proche de la réalité. À vrai dire, je ne suis pas un expert, mais plutôt un révélateur d’histoire. Je dois donc me servir de tous les outils à disposition pour en parler le mieux possible.

La santé mentale est une thématique relativement large… Quel a été l’angle choisi ? 

Une chose est particulièrement ressortie de nos discussions avec Émilie Pralong et mes contacts au sein du tissu associatif : tout le monde est concerné par la santé mentale ! Elle se vit au quotidien et s’entretient, comme un corps. L’idée de ce podcast était de mettre des mots, à travers des témoignages, sur la réalité quotidienne des personnes touchées par la santé mentale, la prendre en considération et surtout ne pas nier son existence. Tout ceci avec deux objectifs en tête: prendre davantage conscience de la réalité de cette santé invisible et d’avoir une oreille plus attentive envers nos proches touchés par les troubles psychiques ou en phase difficile. C’était réellement le leitmotiv de ce podcast, qui d’ailleurs, s’appelle à juste titre : « Toi aussi ? ».

Comment s’est déroulée la création du podcast ?

J’ai choisi de faire un podcast immersif avec des témoignages bruts. Certains entretiens duraient quelques fois plus d’une heure trente, pour avoir, finalement, un épisode de 15 minutes. Ce qui implique de faire de nombreuses coupes durant le montage, de sélectionner les passages et de les associer de manière cohérente. Nous voulions aborder des thématiques diverses et variées. Le sujet ne se limitant pas aux troubles psychiques, nous avons également traité des phénomènes de société qui impactent directement notre santé mentale. Les six premiers épisodes ont parlé d’angoisses durant les études, de dépression, de transidentité, de harcèlement scolaire, de troubles bipolaires, de grossophobie et de slut-shaming. Des histoires de vie incarnées par des personnes auxquelles tout le monde peut s’identifier.

Une fois que tout cela a été défini, cela a été une course contre la montre ! J’ai commencé mon stage fin juillet et durant les deux premières semaines, j’ai contacté des associations et obtenu des rendez-vous avec des témoins. Ensuite, tout va très vite, entre les prises de contact, l’attente des réponses de nos interlocuteurs, la mise en place de maquette (des dizaines), le montage, trouver le bon micro, tester sa voix, repérer le bon ton, trouver la bonne musique – car le choix n’est pas anodin. Nous voulions d’ailleurs lancée le premier épisode pour la date du 10 octobre, soit la journée internationale de la santé mentale.

Et en plus, il n’y a pas que la mise en place du podcast, mais tout ce qui gravite autour ?

Oui, comme par exemple, les illustrations. C’était très important d’avoir une bonne base visuelle, car nous sommes publiés sur Spotify et d’autres plateformes. Donc il faut savoir se démarquer! Aussi, nous voulions éviter l’image sombre qui colle à la peau de la thématique « santé mentale ». Nous l’avons donc « cassée » avec des couleurs vives et des illustrations oniriques. J’ai ainsi fait appel à une illustratrice, ensuite nous avons fait le point ensemble sur nos attentes respectives, établi un contrat et… le résultat est là ! D’ailleurs, le cours de Compétences graphiques avec David Corradini a été très utile pour nous apprendre à échanger avec les graphistes et illustrateur-rice-s.

C'est quoi le cours... "Compétences graphiques" ?C’est quoi le cours… “Compétences graphiques” ?

Avec tout ce travail de longue haleine, il y a-t-il une chose qui a été particulièrement difficile durant votre stage ?

À un moment, je me suis demandé si j’allais trouver les personnes qui seraient prêtes à témoigner. Nous avons essayé de passer par les associations, mais rien. Puis, j’ai décidé de lancer un appel à témoins sur mes réseaux sociaux. Pas sûr que c’était une bonne idée au départ, car, dans ma tête, ce ne serait que des ami-e-s, avec, en plus, un réseau principalement lié au ski… Et finalement, j’ai été très surpris : avec tous les partages, j’ai obtenu une cinquantaine de réponses. Ensuite, j’ai réalisé des pré-témoignages avec une trentaine de personnes durant des heures pour connaître leur histoire.

C’est d’ailleurs à partir de ce moment-là que j’ai réalisé leur besoin de partager : elles se sont livrées durant des heures, c’était très puissant. Certaines personnes de mon entourage avec lesquelles je discute souvent m’ont parlé de problèmes de santé mentale, alors que jamais je n’aurais imaginé leur quotidien. Ce que je pensais être le plus difficile s’est avéré être un moment intense et plein d’espoir pour la suite du projet. C’est aussi là que je me suis réellement rendu compte de l’importance de ce travail.

C’est ce que vous avez préféré durant votre stage ?

Oui totalement, mais surtout, le plus gratifiant est le retour des personnes qui ont entendu la série. Certes, prendre conscience de l’avancement du projet est génial, ou encore l’aspect technique, la rencontre avec les témoins, l’ambiance à Radar RP, etc. Tout était incroyable, mais le plus fort pour moi: les retours. Notamment lorsque des auditeurs et auditrices disent s’identifier à ces personnes qui ont eu le courage de témoigner et même de reconnaître leurs proches dans ces histoires. Avec ce podcast, les langues se sont déliées dans les familles, c’est fou. Ces retours m’ont permis de comprendre que ce podcast n’était pas juste un exercice, mais d’une véritable utilité.

L’illustratrice delémontaine Luana Maurer a réalisé les visuels du podcast (image : Luana Maurer).

Vous sentiez-vous suffisamment préparé pour démarrer votre stage ?

C’est vrai que sur le moment, j’avais du mal à me projeter, et d’un coup, durant mon stage, tout s’est révélé. Les cours du MA3CIG nous préparent toutes et tous à répondre aux différents enjeux liés à la communication d’intérêt général. Notamment le cours « Compétences son et vidéos ». Nous avons appris les techniques de bases du montage audio sur Reaper avec Ziad Maalouf et à réaliser un podcast durant un semestre. Aussi, le cours de « Stratégies de communication de la CIG » de Marie Deschenaux a été très utile. C’est d’ailleurs durant mon stage que j’ai réellement compris ce que signifiait de penser à 360 degrés, comme elle nous l’avait appris. En effet, j’ai saisi la synergie qui se créée entre tous les acteurs que j’ai contactés (les pôles de recherche, les associations, les témoins, etc.) et ce que j’attendais du résultat final. Grâce à cette stratégie et au plan de communication, je savais exactement où je souhaitais aller avec ce podcast.

C'est quoi le cours... "Techniques rédactionnelles et méthodes de récolte d'information"?C’est quoi le cours… “Techniques rédactionnelles et méthodes de récolte d’information”?

Avec Benoît Couchepin et Stéphanie Martin-Vavasseur, qui s’occupent du cours « Techniques rédactionnelles et méthodes de récoltes d’informations », nous avons appris à faire des communiqués de presse, ce qui a été très pratique. Tout comme le cours de « Création et gestion de contenu web et réseaux sociaux » avec Nathalie Pignard-Cheynel et David Lamon. Cela m’a permis de mieux cerner les stratégies de communication sur les différentes plateformes digitales. Mais, ce qui est fou est que certains cours ont surtout fait sens après-coup.

Où en êtes-vous aujourd’hui ?

Tout s’est tellement bien passé avec Émilie Pralong, qu’elle ne voulait pas laisser tomber ce podcast après un épisode. Elle m’a donc embauché depuis le 1er janvier 2022 à Radar RP à 50 %. Je suis officiellement podcasteur et assistant de communication. 

“Briser le tabou de la santé mentale” sur RFJ. Maé Biedermann était l’invité de la matinale de RFJ le 18 janvier dernier.

C’est le job rêvé ?

À la base, mon but était d’écrire des papiers et de créer du contenu qui fasse vraiment du sens pour moi et dans lequel on s’investit pleinement. Depuis tout petit, je voulais faire du journalisme, mais sans savoir que la communication d’intérêt général existait. Avec ce podcast et ce stage, j’ai réalisé l’intérêt que j’avais à me plonger à 100 % dans un sujet et de pouvoir délivrer un message ainsi qu’un point de vue qui me parle. J’ai pris conscience du réel plaisir que j’ai de travailler sur des formats immersifs et créatifs et surtout utiles à des personnes. C’est ce qui m’anime et je pense sincèrement avoir trouvé ma voie pour ces prochaines années.


Merci à Maé Biedermann et à l’équipe de Radar RP. Retrouvez l’ensemble des podcasts “Toi aussi” sur Spotify ou sur le site dédié à la série.