Parler de politique sans polariser : mission impossible ?

You are currently viewing Parler de politique sans polariser : mission impossible ?
Illustration créé sur ChatGPT

Cet article est disponible en version audio. Cliquez sur le lien vers la la vidéo YouTube ci-dessous pour y accéder.

Polarisation. Un mot qu’on entend souvent dans les médias et qu’on ressent très vite dès qu’on parle de politique. Sur les réseaux sociaux, l’effet est décuplé. Comment communiquer sur la politique dans un but d’intérêt général, face à ces divisions ? En Suisse la FSPJ a choisi sa stratégie : la neutralité.

Imaginez. Vous vous lancez dans la communication. Pas n’importe laquelle : celle d’intérêt général. Votre angle d’attaque : la politique. Débattre, réfléchir, influencer et se laisser influencer, voilà ce qui vous anime ! Alors vous vous lancez sur les réseaux pour pousser les gens à s’engager. Mais là, problème : Au fur et à mesure que vous produisez du contenu et que vous accumulez des vues et abonnements sur vos réseaux, vous voyez votre espace commentaire s’enflammer. Pas une vidéo YouTube sans qu’on vous accuse d’être d’un bord politique ou d’un autre, pas un post Instagram sans que s’échangent des « gauchiasses », « sales fachos » ou autre noms d’oiseaux. Vous qui vouliez créer un espace stimulant, vous vous retrouvez au milieu d’une guerre de tranchées. Vous êtes pris au piège de la polarisation.

C’est quoi, exactement, la polarisation ?

La polarisation peut être idéologique (se résume souvent à « droite vs gauche »), mais aussi affective : un réflexe de rejet de « l’autre camp », souvent renforcé par des émotions. En Suisse, la première est bien présente depuis les années 90, et la deuxième s’accentue aujourd’hui avec les réseaux sociaux.

Car ces plateformes – YouTube, Instagram, X – promeuvent les réactions fortes. Dans un article de Tangram, on apprend que leurs algorithmes mettent en avant les contenus les plus émotionnels et moralisateurs, car ce sont ceux qui attirent le plus l’attention. Cela pousse les internautes à adopter des positions plus tranchées et renforce les oppositions entre groupes. 

Pourquoi est-ce un problème pour la communication d’intérêt général politique ?

D’abord, parce que le message initial est souvent relégué au second plan. Pris dans un tourbillon de réactions émotionnelles ou de conflits idéologiques, il devient difficile pour le public de saisir le fond du propos.

Ensuite, la suspicion de parti pris plane en permanence. Un communicant peut être accusé d’avoir une intention politique cachée, et dès lors que son message semble s’éloigner des convictions d’un groupe, celui-ci le rejette en bloc, peu importe le contenu réel.

Enfin, les contenus peuvent devenir la cible de récupération politique. Un propos peut être sorti de son contexte et utilisé pour appuyer une position partisane, dénaturant ainsi l’objectif initial.

La neutralité comme stratégie ? Le pari réussi de la FSPJ

En Suisse, la Fédération Suisse des Parlements des Jeunes (FSPJ) relève le défi avec une stratégie inverse : revendiquer la neutralité comme boussole. Leur mission : encourager la participation politique des jeunes et offrir une éducation citoyenne à travers deux services – Easyvote, qui produit des contenus explicatifs sur les votations, et Engage.ch, qui permet aux jeunes de faire entendre leurs idées.

Comment rester neutre dans un contexte aussi polarisé ? Emma Simonett, communicante pour la FSPJ, explique :

« Finalement notre stratégie principale, c’est de rester sur l’information. »

  • Tous les contenus sont validés par un comité de neutralité, composé de bénévoles issus des principaux partis suisses.
  • Les clips s’appuient sur les livrets officiels, conçus pour équilibrer les arguments « pour » et « contre ».
  • Aucune formulation ne doit reprendre la rhétorique d’un parti.
  • Même le ton est pensé pour favoriser des émotions positives, loin de la logique de confrontation.

Exemple du traitement de l’initiative “économie responsable” du 9 février 2025 :

À gauche : une capture d’écran de la page explicative d’Easyvote sur l’initiative

À droite : une capture d’écran du communiqué de presse du parti UDC, connu pour ses prises de positions controversées voire extrêmes, sur les résultats de l’initiative

Sur les réseaux, la FSPJ ne censure pas, mais modère les propos haineux au cas par cas. Ils ne fuient pas les sujets sensibles, mais les traitent avec méthode. Et même l’usage de l’écriture inclusive, parfois critiqué, est assumé : leur public est jeune, donc réceptif.

Quelles limites à la neutralité ? Le cas de l’Esprit critique

L’Esprit critique est un collectif qui produit des vidéos analytiques et éducatives sur la pensée critique et l’actualité politique française et internationale. Il assume de ne pas être “neutre”, considérant cela impossible. À la place, ses membres choisissent de ne pas donner d’opinion, mais d’outiller son public pour qu’il se forge la sienne. Leur objectif : faire réfléchir.

 

Parler de politique sans polariser, c’est possible. Mais cela demande de la méthode, de la clarté et une vraie connaissance de son public. C’est aussi un choix stratégique : refuser les logiques d’engagement à tout prix, préférer l’information rigoureuse au buzz, et construire une légitimité sur la durée.

 

Vous avez aimé cette lecture ? Jetez un coup d’œil à ces articles :