24 heures dans la peau du porte-parole de la RTS : entre info continue et fatigue numérique​

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Illustration créée par IA

Être porte-parole de la RTS, c’est vivre au rythme de l’actualité. Sans réelle frontière entre la vie professionnelle et personnelle, mais avec le devoir de se tenir informé et d’être sollicité. Pour le meilleur et comme pour le pire.

Note méthodologique

Ce récit est basé sur un entretien avec Marco Ferrara, porte-parole de la RTS. Pour se concentrer sur son quotidien professionnel et éviter toute personnalisation excessive, le choix a été fait de ne pas le nommer dans le corps du texte, ni de l’illustrer par une photo. L’usage du “je” est volontaire. Il permet une immersion plus directe dans le rythme et les ressentis d’un métier ultraconnecté. Ce texte est un récit fictionnel construit à partir d’éléments factuels, validés par l’intéressé, qui a été informé de la démarche en amont.

6h45 : voici les nouvelles

Je me réveille. Comme tous les jours de la semaine, je me frotte les yeux, en espérant grappiller quelques secondes de sommeil supplémentaires. Les réveils restent une épreuve, même après toutes ces années. Par réflexe, j’enclenche la radio. Le soleil traverse timidement la vitre de ma cuisine : le printemps pointe le bout de son nez. Il est 6h45. Les matinaliers du service public sont déjà debout. Leur voix familière me sert de repère.

Un quart d’heure plus tard, le jingle du journal résonne : voici les nouvelles. C’est par là que commence ma journée : l’actualité, en continu. J’écoute d’abord la RTS, puis France Inter, parfois la RTBF, et même la BBC. Le regard du communicant ne connaît pas de frontières. En mode veille, j’absorbe ce qui se dit. Si un sujet m’interpelle, mon téléphone n’est jamais loin pour approfondir.

Image générée par l’intelligence artificielle

Pour limiter la fatigue numérique, j’ai mis en place un système : seuls quelques numéros peuvent me joindre la nuit. Ce n’est pas un mode avion, mais un mode repos. Certains collègues, eux, ont déjà été réveillés à deux heures du matin par des téléspectateurs mécontents. Parfois, les gens se sentent tout permis. Ces filtres sont devenus indispensables. Avec l’expérience, j’ai appris à relativiser : le bruit ne fait pas la majorité.

7h45 : « le train devient mon bureau flottant »

Le train devient mon bureau flottant. Pendant près d’une heure, je consulte mes messageries : Teams, mails, réseaux sociaux. Un premier tri s’opère. On voit vite émerger les sujets chauds. Je réponds à une collègue, anticipe une demande d’interview, classe mentalement les urgences.

Mais parfois, je referme mon ordinateur et sors un livre, surtout quand certains débats en ligne m’agacent plus que de raison. Mieux vaut prendre du recul et laisser retomber l’émotion. À ce stade, mes yeux vont bien. La journée ne fait que commencer, non ?

8h45 : au pied de la tour

Arrivé à Genève, je traverse Plainpalais, longe la rue de l’École-de-Médecine, passe devant le café Le Bout de la Rue. À hauteur du pont, je bifurque vers le quai Ernest-Ansermet. La tour RTS m’attend. Un café à la main, je navigue de salle en salle, de brief en brief. On prépare les réponses aux sollicitations des médias, on anticipe les sujets sensibles.

9h00 – 12h30 : au rythme de l’actualité

Ma journée débute officiellement. Depuis mon bureau, l’Arve me tient compagnie. Chaque jour, entre quinze et trente messages s’invitent sur mes supports, sans compter les appels. Une équipe dédiée gère les réseaux sociaux de la RTS et me transmet des rapports quotidiens. Cela me préserve des attaques directes. Pourtant, certains commentaires sont agressifs, absurdes parfois. Les trolls existent, bien sûr. Avec l’expérience, j’ai appris à relativiser : le bruit ne fait pas la majorité.

Orphelin de mon stylo et de mon bon vieux papier, je prends désormais mes notes sur ordinateur durant la réunion journalière. L’exercice fatigue mes yeux, mais m’épargne du temps précieux. Dans ce monde où tout va vite, c’est un compromis nécessaire.

11h15 : l’urgence numérique

La pause de midi approche. Aujourd’hui, je ne mangerai pas dans un parc, véritable sas de décompression. Je prévois de manger un encas sur le pouce, en déplacement. Le train circule. Les sollicitations aussi : un appel ici, un mail à traiter là. Pas de temps pour le sandwich, ma prochaine réunion débute… heureusement que le petit-déjeuner était copieux.

Image générée par l’intelligence artificielle. “Trois heures de temps d’écran, c’est déjà beaucoup”, confie Marco Ferrara.

Je saute d’un wagon numérique à l’autre, en tentant de ne pas me perdre dans les notifications. Une réponse urgente sur Teams, une demande d’avis sur une interview sensible, un message à vérifier avant publication : tout s’enchaîne à grande vitesse. Je sens la fatigue oculaire pointer le bout de son nez. Mon regard se trouble légèrement par moments. Alors, par réflexe, je lève la tête, je m’étire discrètement, je m’accorde quelques secondes loin des écrans. Mon rituel pour tenir.

L’après-midi s’étire, intense. Les yeux rivés sur l’ordinateur, les mains sur le clavier, je jongle entre préparation de communiqués, points avec les journalistes, validations d’éléments de communication. Chaque document, chaque mot choisi compte. L’information n’attend pas et l’erreur, même minime, peut coûter cher. Concentration maximale.

16h00 : la fatigue oculaire commence

Vers 16 heures, une brève accalmie. Je ferme quelques fenêtres sur mon ordinateur. La lumière du jour décline doucement. Le printemps s’installe, mais derrière la vitre, je ne profite que d’aperçus furtifs : un rayon de soleil, un bourgeon, un éclat de ciel bleu. Ma journée est rythmée par d’autres signaux, plus artificiels : sonneries, vibrations, pop-ups d’alertes.

En fin d’après-midi, la fatigue numérique se fait plus lourde. Mes paupières sont plus lentes, mon attention plus fragile. Pourtant, il reste encore quelques urgences à traiter, quelques validations à donner. La vigilance est primordiale, surtout en fin de journée, quand l’erreur guette au détour d’une inattention.

18 heures : des podcast pour mieux s’évader

Mon ordinateur se referme. Je range mon casque, mon carnet de notes, je glisse mon téléphone dans ma poche, sans l’éteindre pour autant. Il reste toujours un fil, une veille. La journée est terminée, en théorie. En réalité, je reste à tout moment atteignable, au rythme de l’actualité.

Je rentre en train, bercé par des émissions radiophoniques qui n’ont aucun lien avec mon travail. J’essaie de mettre un peu de distance. À la maison, un dernier coup d’œil aux messages. Rien d’urgent. Alors seulement, je peux souffler. Me poser loin du flux numérique.