Communication verte : oserez-vous encore vous y essayer ?

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Dans le cadre du congrès annuel de la SSCM, l’AJM a animé un panel de discussions autour de la question de la durabilité dans la communication des institutions et des entreprises. L’occasion pour nous de revenir sur quelques enjeux actuels de la « communication verte ».

Encore un article sur le greenwashing ?

Effectivement, le greenwashing (ou écoblanchiment) est un phénomène largement décrié et connu du grand public depuis un certain temps déjà. Alors que le réchauffement climatique est devenu, à juste titre, un sujet hautement émotionnel pour de nombreuses personnes, les moindres suspicions d’écoblanchiment sont aujourd’hui immédiatement dénoncées par l’opinion publique, et cela notamment sur les réseaux sociaux numériques, provoquant alors des bad buzz fortement incommodants pour les entreprises visées. Un nombre notable d’entreprises et de grandes marques ont effectivement profité (et profitent encore) de l’engouement des consommateur·rice·s vers des solutions plus écologiques pour redorer l’image de leurs produits et de leurs services, toujours avec l’objectif de générer, à terme, plus de profit. Mais le grand public n’est plus aussi dupe qu’auparavant, et l’enthousiasme initial a laissé place à un climat de méfiance générale face à la cacophonie des communications « vertes ». À tel point qu’aujourd’hui le phénomène inverse se produit : le greenhushing.

Quand la cacophonie laisse place au silence

Face à la complexité et au flou informationnel qui accompagnent l’épineux sujet du dérèglement climatique, et face au risque réputationnel encouru en s’aventurant sur ce terrain-là, certaines entreprises et organisations ont tout bonnement pris le parti du silence. Le greenhushing, ce phénomène d’éco-silence ou mutisme vert reflète la crainte avérée des critiques des consommateur·rice·s, mais aussi une prise de conscience qu’il ne suffit plus de dire quelque chose, mais qu’il faut pouvoir le démontrer.

Pour les entreprises, communiquer à propos de durabilité relève d’un véritable exercice d’équilibriste. Et cela notamment sur les plateformes de médias sociaux, où les réactions des internautes sont immédiates, intransigeantes et potentiellement virales. Et cela ne concerne pas la question environnementale seule, mais également tout le panel d’engagements qui se rapportent aux 17 Objectifs de Développement Durable.

À l’occasion de l’édition 2024 du congrès de la SSCM, Iago Santos Muraro et Katarina Stanoevska-Slabeva, tous·tes deux chercheur·euse·s à l’Université de Saint-Gall, ont souligné la difficulté des organisations à communiquer à propos de leurs engagements en termes de responsabilité sociale (RSE), notamment sur les médias sociaux tels que Instagram. De manière générale, les publications qui ont attrait à la RSE génèrent moins de likes et de commentaires. Un nombre trop élevé de communications à ce sujet peut même s’avérer délétère pour l’image de l’entreprise. L’étude menée démontre cependant que les réactions des internautes varient selon l’industrie concernée (les communications RSE des entreprises appartenant au secteur des énergies fossiles génèrent par exemple beaucoup de réactions négatives), et que de manière générale, la cohérence entre l’image et le texte d’une publication influence les réactions plus positivement. Iago Santos Muraro et Katarina Stanoevska-Slabeva ont également observé une tendance des entreprises et des organisations à favoriser certains sujets plutôt que d’autres : ainsi, elles tendent notamment à abandonner la cause environnementale pour favoriser des thématiques telles que la santé, l’éducation ou la réduction des inégalités (ODD 3, 4 & 10) qui sont moins sujettes à controverse.

Alors, est-il encore de mise de pratiquer une communication verte sur les médias sociaux ?

Le phénomène du greenhushing a peut-être un avantage ; celui de pousser les entreprises et les organisations à en faire plus en matière de durabilité et à en fournir les preuves tangibles. De plus, en réduisant la surcharge informationnelle et la désinformation au sujet de l’écologie, le greenhusing participera éventuellement à réduire des phénomènes tel que l’éco-fatigue, provoquée par un « excès d’informations ou de pressions relatives aux enjeux écologiques », qui engendre un désintérêt pour la question climatique.

Cependant, le greenhushing peut s’avérer délétère si les organisations qui agissent réellement en faveur de la durabilité n’en parlent plus ; ces dernières ne feront alors plus office d’exemplarité pour les organisations concurrentes. Le phénomène du greenhushing est aussi la confirmation qu’une plus grande transparence et honnêteté de la part des organisations est essentielle pour regagner la confiance des citoyen·ne·s. Celles-ci doivent apprendre à communiquer sur ce qu’elles entreprennent réellement mais également sur ce qu’elles ne font pas (encore). À l’ère des médias sociaux et de la communication « many to many », cette confiance se regagnera aussi par l’écoute active, par l’intégration de la voix des citoyen·ne·s et par le dialogue.

Si vous souhaitez en lire plus sur le sujet, rendez-vous ici : La transition énergétique : un challenge pour la communication

Lexique de quelques impasses de la communication verte 

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Sources

David, M. & Lambotte F. (2012). La communication verte : stratagème ou stratégie authentique de communication marketing ? Une méta-méthode d’évaluation des stratégies. Recherches en communication, no.35, p. 137-153. En ligne :  http://hdl.handle.net/2078.1/153918

Fage-Butler, A. (2022). A values-based approach to knowledge in the public’s representations of climate change on social mediaFrontiers in Communication, Vol. 7. En ligne : https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fcomm.2022.978670/full

Igalens, J. (2023). 6. Le mélange des genres. Splendeurs et misères de la RSE, 126-144En ligne : https://www.cairn.info/splendeurs-et-miseres-de-la-rse–9782376878773-page-126.htm#re5no117

Jouzel, J., Vanderlinden, J.-P., Martin, V., Rivière, E., Wahl, P. (2022). Transition écologique : Repenser la communication. Parole Publique, n°29. En ligne : https://www.calameo.com/read/00224186088797f770699

Masson, D. (2021). Mathieu Jahnich : “Le greenwashing ne s’est jamais aussi bien porté”Observatoire de la compétence métier. En ligne : https://www.observatoire-ocm.com/interviews/mathieu-jahnich-greenwashing/

Pol, E. & Marchand, D. (2022). 30. Éco-fatigue (Green fatigue). Psychologie environnementale : 100 notions clés88-89.En ligne : https://doi.org/10.3917/dunod.march.2022.01.0088

Rittenhouse, L. (2022). ‘Green hushing’ explained—why brands are cutting back on sustainability marketing: Greenwashing concerns are forcing brands to do more sustainability work under the radarAdvertising Age, Vol. 93, n°18En ligne : https://www.proquest.com/docview/2756732757?accountid=14610&parentSessionId=CtjN86rwKKpbgkmNICRdK0Rh3tyxzmDTpouaD2Swop8%3D&sourcetype=Trade%20Journals

Santos Muraro, I., Schacker, M., Stanoevska, K. (2023). CSR Communication on Instagram: Exploring CSR Signals and Countersignals in a Visually-Oriented Social Media PlatformEn ligne : (Conference Paper) https://www.alexandria.unisg.ch/entities/publication/f9a0237c-6336-49f7-9ad4-3d50520efea2/details

Guide anti greenwashing de l’ADEME, Agence de la transition écologique (juillet 2023). En ligne : https://communication-responsable.ademe.fr/sites/default/files/2024-03/20230727_ademe_guide_antigreenwashing_web-vdef-min.pdf

Cette 24ème conférence annuelle de la SSCM/SGKM est couverte médiatiquement par les étudiant·e·s en Master de Création de contenus et communication d’intérêt général (MA3CIG) de l’AJM. Cet article a été réalisé dans le cadre du cours “Création de contenus web et réseaux sociaux” et fait partie d’une série éditoriale répartie en trois rubriques présentes sur la page du site Pointcomm dédiée à l’évènement.