Les nouvelles technologies de l’information et de la communication (TIC) sont omniprésentes dans notre quotidien. Si elles simplifient les échanges et l’accès à l’information, elles ont aussi facilité la collecte massive de nos données personnelles dans une société toujours plus connectée.
Les entreprises ont développé des capacités de surveillance et de profilage sans précédent grâce aux nouvelles TIC. Selon la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), les réseaux sociaux (RS) collectent bien plus que des informations dites personnelles comme le nom, le prénom et la date de naissance. En effet, d’après un article de la Law Career Start, tous les faits et gestes en ligne sont scrutés par les plateformes. Ces dernières récupèrent les historiques de navigation, les photos et vidéos, les contacts, la géolocalisation et bien plus.
Pour mieux comprendre à quoi servent nos données, nous nous sommes intéressées au paper session « I give my information, they give me free entertainment and learning opportunities” : sens-making, feelings, and responses to dataveillance on YouTube (YTB) » présenté par Sarah Daoust-Braun, étudiante doctorante à l’Université de Zurich (UZH), ce jeudi 18 avril 2024 durant le congrès de la Société suisse des sciences de la communication et des médias (SSCM) organisé par l’Académie du journalisme et des médias (AJM).
Au cours d’un entretien avec la chercheuse, elle nous explique le concept de dataveillance:
« La dataveillance, surveillance des données, se fait par notre utilisation de services en ligne, qui laisse des traces numériques. C’est en collectant et en analysant ces informations que les corporations, les entreprises, les États ainsi que les gouvernements (phénomène dit top-down) parviennent à créer des profils vraiment détaillés des utilisateur-rice-s qui sont visibles à travers la personnalisation des contenus qu’ils et elles voient en ligne. Dans le cas de YTB, cela se reflète dans l’interface et dans la page d’accueil de chaque membre. »
Sarah Daoust-Braun, chercheuse au département de la communication et des médias à UZH
La soif de données personnelles des RS
Amasser toutes ces informations uniquement pour une page personnalisée comme sur YTB grâce au profiling ? Non, cela va plus loin. Nos données valent de l’or et les plateformes, comme les géants du Web (GAFAM), sont prêtes à payer des milliards pour les obtenir. C’est que mentionne Caroline Mazodier, créatrice de contenus pour Le Figaro, dans son article “Voici comment les RS exploitent vos données“. Il s’agit d’une quête de l’identité numérique. En rachetant Instagram (IG) en 2012 pour un milliard de dollars, Facebook (FB) s’est doté des données d’une communauté comptant plus de 30 millions d’abonné-e-s. Le règlement général de protection des données (RGPD) impose aux plateformes d’informer comment les données seront utilisées. Conformément à cette réglementation, FB va acquérir, via IG, nos data comme nos publications, nos interactions (j’aime, favoris, commentaires), nos conversations, nos préférences. En effet, les données des utilisateur-rice-s circulent dans un système de vente et de revente. Un vrai cercle vicieux. C’est dans cette même lignée que WhatsApp a été racheté en 2014, toujours par FB. Ce dernier tient à se positionner en tête dans cette ruée vers nos données personnelles.
La collecte massive de nos données personnelles soulève bon nombre de questions éthiques et juridiques autour de la protection de la vie privée. En Suisse, c’est la loi suisse sur la protection des données (LPD) qui fait foi. Tout traitement de données personnelles doit respecter certains principes : la licéité, la proportionnalité, la finalité et la reconnaissabilité dans le traitement des données. Le cas échéant, les individus peuvent faire valoir leurs droits, comme celui d’accès, de rectification, d’effacement ou encore d’opposition au traitement de leurs données.
Prendre le contrôle de ses data
Dans la pratique, il semble que cette loi soit difficile à appliquer. Davantage ardue à respecter. Toutefois, la dataveillance n’est pas vue d’un mauvais œil en fonction de son utilisation. L’étude de Sarah Daoust-Braun démontre que, du moment où les utilisateur-rice-s peuvent en tirer parti, leur perspective d’une utilisation abusive est moindre. En effet, le profilage a des bénéfices associés tels que les recommandations qui permettent de gagner un temps précieux dans les recherches.
Plusieurs solutions existent pour mieux contrôler et protéger nos données : bien paramétrer ses réglages de confidentialité sur nos différentes plateformes pour limiter au maximum le partage d’informations, recourir à un outil de cryptage, d’anonymisation, ou restreindre sa présence en ligne est aussi possible. Au-delà, il est important de se renseigner sur ses droits en matière de protection des données personnelles. Que vous soyez en Europe (RGPD) ou en Suisse (LPD), des réglementations existent pour consulter les pratiques des plateformes et nous offrent des moyens de recours en cas de situation conflictuelle.
Cette 24ème conférence annuelle de la SSCM/SGKM est couverte médiatiquement par les étudiant-e-s en Master de Création de contenus et communication d’intérêt général (MA3CIG) de l’AJM. Cet article a été réalisé dans le cadre du cours Création de contenus web et réseaux sociaux et fait partie d’une série éditoriale répartie en trois rubriques présentes sur la page du site Pointcomm dédiée à l’évènement.