Une affiche, un regard : la campagne Love Life 2019 décortiquée

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Crédits : Campagne Love Life, 2019

Faire rimer « préservatif » avec « jouissif », tel est l’objectif de la campagne de prévention Love Life lancée en novembre 2019. Avec son slogan « Et… action ! », elle se décline en quatre visuels invitant à passer à l’acte tout en se protégeant. Mais comment ces affiches parviennent-elles à transmettre un message positif autour de l’utilisation du préservatif ? Pierre-André Léchot, chargé d’enseignement au MA3CIG, analyse l’une d’elles avec nous !

C’est dans l’optique de changer la mauvaise perception qu’il subit que l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), l’Aide Suisse contre le Sida et SANTÉ SEXUELLE SUISSE ont choisi de placer le préservatif au premier plan de leur campagne de sensibilisation. En effet, populaire et bénéficiant d’une image relativement positive due à sa fiabilité et à son efficacité, le préservatif est, malgré tout, perçu comme un « tue-désir » par plus de la moitié de la population helvétique, selon les résultats de l’enquête menée par l’institut de recherche Sotomo en 2019 auprès de 1019 Suissesses et Suisses âgés de 16 à 60 ans. Cette conclusion est problématique : cela signifie que son utilisation est potentiellement négligée par de nombreux individus au profit du plaisir et en dépit des risques de VIH et d’autres infections sexuellement transmissibles (IST), telles que les infections à Chlamydia, la syphilis ou encore la gonorrhée. Du désintérêt au désir, leur campagne nationale, développée par l’agence de communication Rod, vise par conséquent à rendre ce moyen de contraception et de protection plus attrayant.

Ainsi, les quatre thèmes de la campagne illustrent le moment où débute le safer sex dans des situations de vie variées, diversifiant les lieux et les partenaires, que ce soit par leur âge, leur sexe ou leur orientation sexuelle. Sur les différents visuels, selon le communiqué de presse officiel,

« le logo bien connu LOVE LIFE assume un nouveau rôle : d’ordinaire auteur du message, il devient le message lui-même, le mot d’ordre, sous la forme d’un emballage de préservatif ouvert au moment opportun. »

OFSP. (2019, 4 novembre). Communiqué de presse.

La campagne cherche alors à véhiculer deux messages simultanés :

« le plaisir d’avoir des relations sexuelles et l’évidence d’utiliser un préservatif ».

OFSP. (2019, 4 novembre). Communiqué de presse.

Mais de quelles manières plaisir et sécurité sont-ils associés et mis en scène à l’image ?

Pierre-André Léchot nous a prêté son regard d’expert et sa voix de passionné pour décrypter l’une des affiches de la campagne.

Exploration et analyse d’une affiche

Les couleurs, les formes, les expressions du visage, la profondeur de champ, l’éclairage ou encore la composition générale de l’image : chaque détail, dans une affiche de communication d’intérêt général, doit être réfléchi et mis correctement en scène pour attirer l’attention des gens et les sensibiliser à la cause de la campagne.

Cette importance du détail technique et visuel se trouve au cœur du cours intitulé Compétences son et vidéo que donne Pierre-André Léchot. Au sein de celui-ci, il apprend aux étudiantes et étudiants du MA3CIG à décrypter des créations audiovisuelles marquantes, pour pouvoir, par la suite, en concevoir par leurs propres moyens.

Pierre-André Léchot enseigne le cours Compétences son et vidéo aux étudiants du MA3CIG

Pour écouter ses commentaires à propos de l’un des visuels de la campagne Love Life, baladez votre souris sur l’affiche et cliquez sur les différents boutons interactifs. Vous êtes prêt.e ? Et… action !


Analyse de l’affiche Love Life (2019) “Et… action!” par Pierre-André Léchot

Quand l’image prend vie

Durant le mois qu’a duré la campagne, les quatre affiches étaient également déclinées en spots publicitaires audiovisuels d’une durée de six ou dix secondes, afin de diversifier les manières de diffuser le message et les lieux, par exemple sur des ePanels ou dans les médias sociaux.

LOVE LIFE «Et... action!»LOVE LIFE «Et… action!»

Spot publicitaire, LOVE LIFE «Et… action!»

De la vidéo qui accompagne notre affiche, Pierre-André Léchot met en évidence le rendu image légèrement rosé qui prépare au packshot final (dernière séquence du spot avec un visuel présentant le produit (le site Internet de la campagne) en gros plan) sur fond rose et la mise à distance créée par le léger ralenti. Il souligne également l’usage de la caméra portée qui nous embarque et nous fait participer à la préparation de l’action, ainsi que la façon dont notre regard est dirigé par la profondeur de champ qui se réduit pour se focaliser sur le sachet déjà déchiré.

« Au contraire de l’image fixe qui permet de cheminer à son rythme dans l’image, la vidéo réduit les explorations possibles. En effet, tout est centré, conduit, presque imposé : Regardez madame, regardez le produit. »

Pierre-André Léchot

À la différence de la photographie qui nous guide subtilement, le film nous guide donc davantage, par différents procédés techniques, vers une certaine perception du contenu.

Parler positivement d’une maladie négative : un défi

Avec le temps, les campagnes de prévention contre le Sida, puis, plus généralement, contre toutes les autres IST, n’ont cessé d’évoluer. Depuis sa création en 1987, la campagne menée par l’OFSP a su renouveler son message de prévention de multiples façons. Si certaines campagnes ont pu être sujettes à débats, voire choquer le public, notamment la campagne « LOVE LIFE – Ne regrette rien » en 2014, elles sont généralement très bien reçues par le public et se révèlent toutes plutôt efficaces. Bien loin d’un message centré sur la peur ou l’abstinence, c’est donc une tonalité positive et directe ainsi qu’une communication axée sur une sexualité agréable et sûre qui a toujours été utilisée.

Et la campagne baptisée « Et… action ! » ne paraît pas faire exception. Ainsi que l’explique la directrice de Santé Sexuelle Suisse Barbara Berger dans une intervention à la RTS, cette campagne visait à normaliser l’usage du préservatif et à associer le plaisir au fait d’être protégé.

Alors, défi réussi ?

Ce contenu a été réalisé pour le cours “Création de contenus web et réseaux sociaux”, dans le cadre du master en Création de contenus et communication d’intérêt général de l’Académie du journalisme et des médias (AJM) de l’Université de Neuchâtel.